VRILLAGE

, par Interaction

Je me pose des questions sur le VRILLAGE de l’aile.

On voit un peu de tout : 1° sur un Cessna, un Banbi ou un MCR à près de 15° sur un Jodel, parfois agrémenté de barrettes de décrochage (note du claviste : Lire 1 à 15° de VRILLAGE négatif).

Si le but est de retarder le décrochage des ailerons, il me semble que 1° est bien faible pour un décrochage en lisse.
Les barrettes de décrochage sont certainement plus efficaces pour faire décrocher l’aile à l’emplanture et générer des signes annonciateurs.
Avec les volets sortis, ce sera la partie portant les volets de l’aile qui va décrocher en premier car la sortie des volets augmente l’incidence de cette partie de l’aile… donc le VRILLAGE n’apporte rien dans ce cas là car les volets resteront efficaces..

Si c’est pour améliorer la répartition de la portance de l’aile, je doute que 1° suffise et si en plus on met des winglets comme c’est la mode, je ne sais pas si cela ne vient pas, en partie, contrebalancer le VRILLAGE.

Pouvez vous éclairer ma lanterne ?

Bonjour,

En gros, vous semblez avoir tout compris : le VRILLAGE "géométrique", cela sert plus à calmer les angoisses du concepteur qu’à autre chose (tout en compliquant la construction), car ce VRILLAGE géométrique peut être facilement remplacé par un VRILLAGE aérodynamique (il suffit pour cela de relever les ailerons dans le cas d’une aile sans volet, ce qui autorise même de pouvoir modifier ce VRILLAGE).

L’argument régulièrement évoqué du VRILLAGE "géométrique" de l’aile est la protection contre le décrochage des extrémités de voilures (et donc la possibilité pour le pilote de garder de l’autorité en roulis). Cet argument nous semble "faible". En effet, entre 1° et 3° de VRILLAGE ne protègent que de 1° à 3°. Lorsqu’un ULM en approche à 30 m/s se prend une grosse ascendance de 10 m/s, l’incidence augmente de 18° !
La protection des ailerons au décrochage, nous semblent plus efficace en jouant directement sur les causes du décrochage (forme en plan de l’aile, cambrure et rayon de bord d’attaque etc ....- voir l’article sur les extensions de bord d’attaque - wing leading edge drop - du colloque de Cachan 2005 par Paul LUCAS qui avait compilé tous les rapports naca/nasa sur le sujet-).

Plus raisonnablement, une autre utilité du VRILLAGE c’est de permettre, toujours au prix d’une complication de fabrication, une adaptation de la voilure au régime de vol (par exemple pour la montée comme sur les Jodels). Cela peut être intérressant pour la montée pour des avions faiblement motorisés, mais il faut se souvenir que l’on joue sur la trainée induite, qui en montée représente environ 50% de la trainée totale, mais seulement 12,5% de la puissance consommée (75% de puissance pour monter, 12,5% pour la trainée de frottement, et 12,5% pour la trainée induite), donc on ne gagne pas grand-chose et ça alimente les discussions de bar d’aéroclubs. Alors que la masse, elle, intervient majoritairement, mais ça ne se voit pas (cachez cette masse que je ne saurais voir .....)

Lorsqu’il y a des volets, c’est encore plus simple : leur sortie vrille naturellement l’aile... dans le bon sens, et au moment où le VRILLAGE se révèle utile. En effet, en vol le VRILLAGE est supprimé, ce qui évite (comme sur les Jodels que vous avez cités) de voler avec des extrémités d’aile en déportance... ce qui diminue un allongement qui n’était déjà pas terrible, avec pour résultat une diminution encore plus marquée de la finesse en vol rapide.

Le pire de tout, c’est la mode des PROFILS à SQUELETTE à CAMBRURE MARQUEE comme la série à la mode des profils NLF. La cambrure amène en effet un important coefficient de moment, qui génère un très fort couple piqueur (fonction du carré de la vitesse), couple qu’il faut compenser par une forte déportance de l’empennage horizontal, qui accroît la charge alaire de l’aile (et donc sa traînée induite à laquelle se rajoute la traînée induite de l’empennage en déportance), et qui impose d’énormes efforts sur le fuselage qui doit donc être dimensionné en conséquence (et qui sera donc un peu plus lourd).

Pour contrebalancer (à haute vitesse), les effets de cet important moment piqueur, on n’a rien trouvé de mieux que de débattre les volets en "négatif" (c’est à dire vers le haut) afin de réduire, sinon annuler les effets de la cambrure. Cela épate régulièrement les journalistes qui constatent l’augmentation immédiate de la vitesse (par réduction importante des traînées induites). Ce qu’ils oublient, c’est que la mise en "négatif" des volets a introduit un VRILLAGE POSITIF de l’aile. La conséquence est que les charges aérodynamiques sont reportées aux extrémités de l’aile, ce qui amène 2 dangers :

1) des décrochages dynamiques d’extrémité sous facteur de charge (soit lors de manoeuvres serrées - Cf. accidents de Wheeler express -, soit aussi sous fortes rafales),

2) des ruptures en vol suite à fatigue, les longerons étant alors très nettement plus sollicités à leur emplanture.

Quant aux barrettes de décrochage, celles-ci servent, diront certains, à avertir du décrochage (c’est vrai), mais elles servent d’abord et avant tout à "positionner" le décrochage initial de l’aile, lorsque celui-ci est brutal et qu’il ne prévient pas.

C’est le choix du profil qui détermine la brutalité du décrochage. Alors qu’il existe des milliers de profils qui ont été soufflés, 80 % des avions sont équipés de l’éternel Naca 2.30.12 (des Me-109 et Spitfire aux Jodels). Ce profil est généralement choisi, d’abord parce que tout le monde se copie, et pour les concepteurs qui font un choix raisonné parce qu’il présente un très fort Czmax (1,73). Cependant, comme son épaisseur relative est faible (12 % seulement, ce qui accessoirement alourdi les ailes), il présente un décrochage dit "de bord d’attaque" qui est particulièrement brutal. Cette particularité est corrigée par l’installation de décrochoirs (ou barrettes de décrochage) dont la fonction est d’écrêter la courbe de Czmax dont le maximum va être ramené à la valeur des autres profils soit 1,4 environ.

Pour ce qui concerne la brutalité du décrochage des Jodels, une seconde raison se rajoute à celle du profil : celle de la forme en plan de l’aile qui est semi-elliptique. Ce faisant, la répartition de la charge (d’origine géométrique) en envergure se rapproche de la répartition des Cz en envergure (qui est optimale pour l’aile elliptique... non vrillée et sans fuselage). Lorsqu’il y a concordance entre répartition de charge et répartition de Cz, cela signifie que le décrochage s’initie partout en même temps le long de l’envergure (Cf. certains accidents de Spitfire à l’atterrissage lors de meeting). Il est brutal et ne prévient pas.

Les questions qui se posent alors sont les suivantes :
 A quoi cela sert-il de choisir un profil à forte cambrure si c’est pour débattre les volets en "négatif" (avec tous les inconvénients qui s’en suivent) ?
 A quoi cela sert-il de choisir un profil à fort Czmax, si c’est pour le ramener à la valeur des autres profils au moyen de décrochoirs ?

Bien cordialement ,