LIFTING BODIES

, par Interaction

J’ai enfin lu la majeure partie de votre prose on-line. Je ne sais pas encore si je vais participer à votre stage "aviation légère", mais tout cela m’intéresse beaucoup. La conception me démange vraiment, mais j’aimerais contribuer à faire quelque chose de vraiment novateur, pas un clône de truc déjà existant......

J’aurais quelques petites questions/réflexions à vous soumettre (si vous avez le temps d’y répondre), rattachées à vos préoccupations aérodynamiques.
1) Sur les fuselages :
Vous parlez beaucoup des problèmes de trainée (les plus complexes et les plus négligés, il est vrai), mais vous ne parlez pas vraiment des problèmes de portance....du fuselage. Deux exemples de fuselages porteurs : A) l’atlantica www.wingco.com , et B) dans une certaine mesure un "canard" d’aéromodélisme, manifestement extrapolé d’un varièze, le "gryphon" :
http://perso.wanadoo.fr/aviationdesign/gryphon/Gryphon.htm

La problématique du fuselage porteur est souvent revenue dans l’aviation. En particulier dans les ailes volantes. Il est effectivement tentant de souhaiter enfermer toute la charge utile dans l’épaisseur du profil.
Cependant, elles posent à mon avis quelques problèmes :

L’allongement : en vitesse subsonique, des allongements de 7 à 10 sont souhaitables pour garantir de bonnes perfos en montées, en virage. avec des profils d’environ 13% d’épaisseur relative. Un homme assis, c’est environ 1,3 mètre de haut, celà donne une corde de 10 m et une envergure de 70 à 100 mètres !!!

Donc l’aile volante façon Boeing n’est pas pour demain. De ce point de vue, l’aile volante Northop était plus intérressante car uniquement destinée à transporter des bombes, donc peu épaisse.

Deuxième problème : L’hypersustentation. Pour réduire les surfaces, il faut hypersustenter. Cela entraîne un fort coef de moment que l’on équilibre avec un plan déporteur (l’empennage horizontal) situé au bout d’un assez grand bras de levier. Cette déportance, minimisée grâce au bras de levier diminue quand même un peu le Czmax de l’avion (environ 10%).
Si le bras de levier est très court (cas d’une aile volante- le profil utilisé adopte une double courbure- ce qui revient à coller un empennage déporteur au profil d’origine), la surface de "l’empennage horizontal" sera très importante et la déportance d’autant plus importante. Le Czmax avion sera donc très faible. En voulant réduire la surface du fuselage, on augmente la surface d’aile. C’est ce que l’on appelle la notion de taux d’échange.
La maximalisation d’un seul paramètre entraîne malheureusement souvent la dégradation des autres. C’est bien le problème en conception avion. Un avion est le résultat d’un compromis entre un nombre très important de paramètres et toute la difficulté est d’harmoniser les compromis. Cela ne peut se faire qu’en construisant un modèle GLOBAL de l’avion. Modèle qui permet de mesurer directement l’impact sur les perfos d’une variation de paramètre.


Question de F.M (suite) : A) Vous affirmez, logiquement, que la flèche est néfaste à la laminarité, or l’Atlantica en accuse une très prononcée pour que les élevons permettent un contrôle en tangage suffisant à la différence d’une aile volante dans sa conception. Cela voudrait-il dire qu’il ne faut PAS utiliser de profil laminaire sur les "bouts" d’aile puisqu’ils sont si loin en arrière, où que ce soit quand même envisageable avec certains profils ? Dans le cas d’un renoncement à la laminarité, je m’interroge sur le gain en surface mouillée, et donc sur la traînée de frottement (et de pression induite par la viscosité ), par rapport à un fuselage non porteur, doté d’ailes "droites", mais à profil laminaire. Je m’interroge aussi sur les problèmes de couplage aérodynamiques entre les dérives/winglets et les élevons (jamais vu de littérature là-dessus, vous avez des graphes, abaques sur le sujet ?). Y aurai-t-il autre chose qui vous choque sur cette configuration ?

La réponse :

Que de questions !!!!!
Oui, la flèche est néfaste à la laminarité ! Un écoulement longitudinal non négligeable apparaît qui vient épaissir la couche limite sur les saumons.
Autre problème de l’aile volante de type Horten. afin de ne pas utiliser de profils à double courbure trop prononcée, les frères Horten avaient adopté des ailes à forte flèche et très fortement vrillées.
Cela pénalise beaucoup les perfos à grande vitesse, car à faible Cz (croisière) les extrémités d’ailes sont déporteuses. Le coef d’oswald se "casse la gueule" et la traînée induite (Cxi = (Cz)2/Pi.l.e) qui est normalement négligeable à grande vitesse, redevient importante.
Encore une fois la notion de taux d’échange.

Autres choses qui me "choquent" :
Le choix de la configuration "propulsif".
Sans parler des problèmes de sécurité posés par l’enclume et le hachoir situés dans le dos des passagers (que se passe-t’il en cas de crash ? Méditer l’histoire du Capitaine Ferber mort écrasé par son moteur au début du siècle) ; que dire du rendement de l’hélice placée dans le sillage (couche limite) du fuselage. Améliorer l’aérodynamique du fuselage pour perdre en rendement d’hélice.... pas sûr que ce compromis soit le meilleur.
Enfin l’utilisation d’un arbre de transmission avec tous les problèmes que cela entraîne.

Question de F.M (suite) : De manière générale, je serais intéressé d’en savoir plus sur les fuselages porteurs pour l’aviation générale (ça paraît à priori dommage d’avoir juste un truc qui "traîne"), si vous avez des références..... D’où le lien avec un appareil aux antipodes de l’Atlantica à fuselage porteur : le suppositoire tri-surfaces : 2) Sur les configurations : vous abondez dans le sens des analyses courrament faites sur le Starship et l’Avanti. A notre échelle, les suisses mettent au point un "tri-surfaces", inspiré de l’Avanti. Par rapport à un MCR dont il n’arrive pas tout à fait à égaler les performances ni la masse. L’avantage de cette formule est, paraît-il, de minimiser la trainée en jouant à la fois sur le plan canard et le plan horizontal pour produire le minimum de traînée en croisière (je ne sais pas si l’Avanti permet de le faire, les volets sur le canard ne semblent servir qu’à l’hypersustentation), et de pouvoir utiliser des volets en ayant la capacité de contrebalancer le moment piqueur avec le plan horizontal arrière. En fait , bien que la formule ne semble pas concluante pour la formule "VLA" économique, je me pose la question de son intérêt pour des puissances et vitesse supérieures. Il paraît que les avantages de la formule tri-surfaces utilisée par Piaggio sont déposés et protégés par un brevet, donc public, savez-vous comment le trouver ? Auriez-vous des références sur les comparaisons tri-surfaces / canard / géométrie classique d’un point de vue mécavol (trim en croisière, en approche) /pénalités en termes de traînée induite et masse structurale (les moments de flexion à l’emplanture doivent être assez supérieurs à ceux de l’Atlantica par exemple)..... D’après un ami américain qui a travaillé sur le sujet, ces questions de trim ne se poseraient que dans le cas d’appareils à chargement variables (valable donc pour l’Avanti, mais pas pour un monoplace par exemple, pour un biplace+bagages ?)

La réponse :

Pfff. Là j’avoue que je sèche. Le mieux serait de contacter Mr Bugeau, aérodynamicien chez Dassault, membre de l’association et spécialiste du trois surfaces (auteur de l’article "Laminarité et aviation légère" ainsi que d’une étude aérodynamique de la configuration trois surfaces parue dans expérimental )
Question de F.M (suite) :

3) Sur la propulsion : Votre article descend en flèche les réacteurs DGEN de Price-Induction. Je m’interrogeais sur la viabilité de ces engins, qui ne poussent pas assez à mon avis (en altitude surtout en pour les hautes vitesses) . Un rapide calcul à l’aide de leur logiciel d’avant projet, pour une hypothétique cellule de BD-5J remotorisé à l’aide d’un de leur engins me donne une vitesse de près de 290 noeuds, ce qui me semble pas mal pour un premier avant projet (en fait j’ai pris cet avion comme exemple, parce que ses caractéristiques sont facilement disponibles : géométrie, masse, masse du moteur, surface mouillée). Pas pu extrapoler à un biplace (mono ou bi-réacteurs), mais ça me semble pas complètement foutu. En fait, pour faire le lien avec votre article sur la laminarité, pour réaliser une cellule laminaire maximale genre "têtard", en formule propulsive, c’est probablement la seule solution quand on sait les problèmes de transmission de puissance à l’hélice avec des moteurs en position centrale. J’admets que ça limite les formules concevables, mais en concevant l’appareil autour du moteur (en non pas en adaptant des jets à des cellules standard), comme ça devrait être le cas pour tout avion (surtout pour un jet !), je pense qu’il n’est pas impossible de concevoir quelque chose de taille réduite qui croiserait vers 300 noeuds ou plus, alors que par exemple l’adaptation d’un turboprop type Walter serait moins simple et ferait une cellule plus lourde.

La réponse :

D’accord avec vous sur les conclusions, mais n’oubliez pas de méditer les conséquences de choix trop extrêmes : Cas du V-prob MAx, fuselage têtard, laminarité très étendue, moteur propulsif et crash au premier vol vraisemblablement par instabilité due aux profils NLF aux faibles Reynolds et un mort à la clef, car pas de casque !
Méfiez-vous aussi des logiciels miracles qui de plus sont diffusés par ceux là même qui vendent les DGEN !
Pour moi, ces petits réacteurs ne sont bons que pour deux choses :
motorisation des missiles de croisière
Motorisation des drones rapides.

Question de F.M (suite) : 4) Culture générale : Vous semblez avoir une passion pour les racers Caudron, avez-vous déjà analysé le Bugatti 100-P ? Des commentaires sur cet avion ?

La réponse :

Oui, en fait c’est moi : Matthieu BARREAU qui est passionné par ces avions. Ce que j’aime c’est le rapport performance/simplicité de ces avions dont le CFe (maintenant vous savez ce que c’est) varie entre 4,5 et 5,5. Pour info, 5,5 c’est le CFe du Colomban ban bi.
Et tout cela sans profils laminaires !!!!
Riffard était un grand bonhomme.
Je n’ai jamais analysé le Bugatti 100P. Superbe avion, mais il n’a jamais volé. L’avion est très intérressant mais les solutions adoptées me semblent très compliquées.

Question de F.M (suite) : Pour terminer, vos critiques de Rutan sont bien etayées, mais puisque vous semblez maitriser la plupart des choses que lui ne maîtrise pas, avez-vous conçu et réalisé un appareil dans le cadre de l’association par exemple ? En dehors ? Comme on dit, "la critique est aisée, mais l’art est difficile", non ? Je trouve votre cahier des charges bien optimiste : croiser à 600 km/h avec 135 cv et 2 personnes, je n’y crois pas beaucoup. Le NEMESIS NXT devrait aller à ces vitesses, mais avec plus de 300 cv, et le Lancair Legacy de Darryl Greenamyer atteint ces vitesses grâce à une préparation moteur qui l’amène à délivrer plus de 500 cv.... Au fait, pour avoir vu les résultats de courses en classe "sport" à Reno, le Varieze de Klaus Savier se classait plutôt mieux que certains Venture ou Lancair, et avec des puissances raisonnables je crois me souvenir, comme quoi....

La réponse :

Une précision : L’article sur les Canard est un article de commande du Magazine Experimental, à l’époque dirigé par F. Besse. Il s’agissait de présenter le point de vue : "contre" de manière argumentée.
Et de fait, on nous reproche souvent ces écrits (le ton est je vous l’accorde volontairement provocateur) mais rarement les faits exposés.

Des pistes sont suivies pour concrétiser des projets mais le temps et l’argent manquent souvent aux membres de l’association.

Pour le cahier des charges, vous avez raison il est très optimiste. Il s’agit en fait des limites théoriques du possible avec un moteur style "Inter Action" et tout le reste bien optimisé. C’est la raison d’être de l’association et donc un but loin devant.
Cependant, plus raisonnablement il est possible d’atteindre les 400, 450 km/h dans les mêmes conditions et "relativement" facilement. Je veux dire que tout ce qui est nécessaire pour atteindre de telles perfos est parfaitement connu !

Le varieze de Klaus Savier est d’une redoutable beauté/éfficacité. Avec un CFe proche de 4 il flirte effectivement avec les meilleurs. Notez cependant que tout à été fait pour éliminer le culot traditionnel des canards (par exemple le cône d’hélice très bien fait). De plus, une savante préparation moteur lui permet de "tirer" plus de 145 cv de son O-200 !!! +45% On peut saluer la performance et continuer à soutenir que la même qualité de réalisation/finition appliquée à une formule classique donnerait de meilleurs résultats tout simplement parce que l’on pourrait mettre une aile de plus faible surface. Quand on compare des avions parmi les meilleurs, un petit rien de différence peut entraîner de grandes variations de leurs performances.

Pour toutes les autres questions et autres discutages de coup, je ne peux que vous inviter à suivre l’un de nos stages.
Cordialment,