ADAC
Je passerai cette année des concours d’écoles d’ingénieur, et une des épreuves à l’oral (pompeusement appellée Travail d’Initiative Personnel Encadré) nous permet de faire un exposé sur un sujet presque libre. J’ai donc choisi de parler des avions à décollage et atterrissage court. J’ai quelques difficultés à me procurer des informations fiables. Je me permet donc de vous demander des tuyaux.
J’avoue que j’hésite à pousser la mécanique du vol au-delà du manuel de pilote, c’est à dire de sortir des explications simplistes (et fausses dans certains cas). Cependant je n’ai pas dans ma filière de cours de mécanique des fluides, et l’immersion ne me semble pas très aisée. Peut-être pouvez-vous me conseiller un ouvrage adapté ?
Je parle d’un certain nombre de dispositifs hypersustentateurs, mais je ne suis pas sûr d’avoir fait le tour. Existe t’il quelque chose en dehors des becs de bord d’attaque, volets, et ailes soufflées et du très particulier Varivol de Gérin ?
Je finis par deux exemples chocs : le Breguet 941S et le presque ULM Slepcev Storch. Y a t’il des stols plus performants ?
A notre connaissance, non. La raison en est simple : les phénomènes physiques mis en jeu pour créer la portance présentent nécessairement des limites qui, par principe, ne peuvent pas être franchies. Quand on en est loin, il est facile avec très peu de moyens d’obtenir un gain significatif (ex. : des volets simples) ; mais au fur et à mesure que l’on se rapproche de ces limites (volets doubles fente, à recul, etc...), les gains deviennent de plus en plus marginaux (phénomène de saturation), pour un investissement qui devient de plus en plus important (en complexité, en masse, en coût, en in-sécurité), comme par exemple avec les volets soufflés.
S’il s’agit de le faire avec une finalité qui dépasse la seule question aéronautique (cas de l’Etendard qui, s’il n’avait pas été muni d’un tel système, n’aurait pas pu être embarqué), la question peut être revue (d’autant que les budgets de l’époque semblaient, eux, être illimités !). Mais pour l’aviation légère, voire moins légère, la masse non négligeable qu’un tel système supplémentaire apporte, et l’accroissement de surface portante que cette sur-masse réclame pour être emporter, sur-compense très rapidement l’économie de surface qu’était sensé apporter cet artifice hypersustentateur.
Par ailleurs, d’élémentaires questions sécuritaires se posent d’emblée :
Que se passe-t-il en cas de carafe moteur ?
Le système fonctionne-t-il sur batterie ? Combien de temps ?
A quelle vitesse vais-je me poser en campagne puisque l’hypersustentation a disparue ?
Que se passe-t-il si la panne survient en approche alors que je vole déjà à une vitesse bien inférieure à la vitesse minimale de sustentation en lisse ?
Que se passe-t-il si la panne est asymétrique ?
Question:Existe-t’il des vidéos de Br 941 ?
La réponse :
Peut-être, mais nous n’en n’avons pas. (Si d’éventuels lecteurs en ont, qu’ils nous fassent signe, nous transmettrons).
Question : J’ai bien peur que la formule STOL, que je pense encore d’actualité - ne serait-ce pour les pays n’ayant pas de pistes luxueuses - ne soit plus ou moins enterrée. Les avions de transport militaires ne décollent pas sans 800 m de piste et seuls certains avions légers et ULM (et encore ...) semblent taillés pour l’aviation champêtre.
La réponse :
En fait l’aviation champêtre existe déjà, et elle est bien plus efficace que l’aviation des ailes soufflées : c’est celle des autogires...
Question : J’espère me tromper. Savez-vous si des recherches sont en cours dans ce domaine ? Il serait tout de même dommage qu’une technologie comme l’aile soufflée soit tout simplement perdue.F.
La réponse :
Il existe une technologie bien plus efficace que le soufflage des ailes, mais c’est une technologie de laboratoire.
Je pense à celle du tapis tournant (cylindre tournant au bord d’attaque entraînant une bande souple qui contourne la quasi-totalité du profil à une vitesse égale à la vitesse de vol).
Cette technologie permet de supprimer le frottement visqueux (puisqu’il n’y a plus de gradient de vitesse, la peau se déplaçant à la même vitesse que l’écoulement), et donc de supprimer tout décollement (l’écoulement est adhérent jusqu’à plus de 110 ° d’incidence !).
Mais est-ce que cela va amener beaucoup de Cz max ? Oui, en théorie, à condition que cela se fasse entre 2 cloisons, ou à condition que l’envergure tende vers l’infini ! Pourquoi ? Parce que l’aile (pour faire simple) ne fait que défléchir un tube de courant dont le diamètre est l’envergure, et qu’en bout de plume la surpression d’intrados s’empresse de compenser la dépression d’extrados, d’où les tourbillons marginaux dont l’importance croît avec la baisse de vitesse. Alors, bien sûr, on peut "gratter" un peu dans les coins du tube de courant pour le rendre moins rond...
Mais on ne le rendra jamais plus carré qu’un carré dont le côté a toujours pour dimension... l’envergure ! La potentialité de gain d’un dispositif hypersustentateur se situe donc approximativement dans la différence de surface entre un rond et un carré, l’extrémité du carré constituant une discontinuité (acceptable pour les mathématique, mais non pour la physique) que l’on peut, certes (et avec quels coûts !), approcher, mais jamais atteindre (asymptote).
La problématique est d’ailleurs la même que pour ceux qui tentent par moult dispositifs de diminuer ces tourbillons marginaux parce qu’ils sont responsables aussi de la traînée induite...
Cordialement.