REPARTITION ELLIPTIQUE

, par Interaction

Bonjour, Je vois de manière quasi uniforme parler de REPARTITION ELLIPTIQUE de la portance, même avec des ailes rectangulaires. Si c’est le cas, pourquoi construire des ailes elliptiques, puisque ce résultat est déjà acquit avec une construction plus simple ?

Bonne question !

Je dois être particulièrement borné, car je n’en vois pas la raison. Je conçois que la répartition de portance soit perturbée à l’extrémité de la voilure, de même la présence du fuselage n’arrange pas les choses. Mis à par ces deux parties plus ou moins affectées suivant l’allongement, la répartition de portance devrait être sensiblement linéaire, surtout avec des grands allongements.

La répartition de portance est elliptique pour une raison simple : c’est que l’aile concerne un "tube de courant" dont le diamètre est l’envergure. En déviant ce tube de courant vers le bas, l’aile crée par réaction la portance, dont la valeur est... la masse de l’avion, fois le facteur de charge.

Cette phénoménologie du tube de courant est vraie du moins au passage de l’aile. Evidemment, les choses se compliquent un peu plus vers l’arrière puisque ce tube de courant "rejeté vers le bas" se comporte comme un corps cylindrique en mouvement de translation vertical... avec contournement du fluide autour de lui de façon tourbillonnaire (les fameux tourbillons marginaux) avant que le tout ne se mélange quelque peu...
La REPARTITION ELLIPTIQUE de la portance s’explique donc par la forme du tube de courant dévié vers le bas.

Cette portance qui se répartit elliptiquement est une "nécessité". Sa valeur, on l’a déjà dit, est donnée par la masse de l’avion fois le facteur de charge.

Pour ce qui est de l’aile, celle-ci est constituée par une succession de profils locaux (tous identiques pour une aile rectangulaire non vrillée), chacun de ces profils offrant une "capacité de portance locale", limitée par le Czmax du profil local.

Si l’avion vole, c’est que la "capacité de portance" est supérieure à la "nécessité de portance". Il peut néanmoins arriver que la "nécessité de portance" augmente (sous facteur de charge - rafale, ressource), ou que la "capacité de portance" diminue (diminution de vitesse). Les 2 courbes de répartition, dont l’une (la "nécessité de portance") est elliptique, et l’autre de forme directement fonction de la forme en plan et du VRILLAGE, se rapprochent alors, voire se croisent. Ceci a pour conséquence (ailes non vrillées évidemment) :

1) lorsque l’aile est rectangulaire,
 les "capacités de portance locale" (qui ne dépendent que des caractéristiques du profil en dehors de la vitesse) étant constantes (puisque toutes les tranches de profils sont identiques) il s’en suit que celles qui sont proches de l’emplanture, seront les premières à être rattrapées par les "nécessités locales de portances". L’aile rectangulaire décroche donc "naturellement" près de l’emplanture.

2) Lorsque l’aile est trapézoïdale, c’est la "capacité locale de portance" de la tranche considérée qui va diminuer plus vite que la "nécessité de portance locale". La conséquence est que le décrochage va s’initier là où les courbes d’évolution de la "capacité" vont traverser la courbe elliptique de la "nécessité". Le décrochage sur une aile trapézoïdale va donc s’initier d’autant plus près de l’extrémité de l’aile que son effilement sera important.

3) Si l’aile est elliptique, la répartition de la "capacité locale de portance" sera naturellement elliptique... Comme la courbe de la répartition de la "nécessité locale de portance". Et c’est là, où l’aile elliptique n’a pas que des avantages, car lorsque ces 2 courbes (capacité et nécessité) vont se rapprocher, elles vont naturellement se superposer avec pour conséquence un décrochage simultané de toutes les tranches d’aile. Le décrochage sera alors brutal comparable à un "déclenché" (Cf. les départs en vrille des Spitfire en dernier virage lors des meetings).

Si l’aile est vrillée, la portance devrait décroître linéairement dans les parties non perturbées, ce qui n’est pas forcément un avantage, sauf pour la tenue du longeron.

J’ai trouvé cet applet sur internet : http://adg.stanford.edu/aa241/wingdesign/winglift.html. Cet applet montre également que le Cz s’écroule notablement avec la diminution de l’allongement, c’est un aspect que je n’ai jamais vu évoquer. Doit-on en conclure qu’une aile de même surface, avec le même facteur de charge, et un allongement faible décroche à une vitesse plus basse qu’une aile à grand allongement ?

Je suppose que vous avez voulu dire "décroche à une vitesse plus grande" (puisque le Cz s’effondre) ?

Il y a de ça, en fait une variation d’allongement modifie le gradient de portance. Toutefois, il y a une limite maximale à ce gradient de portance qui est donné par l’allongement (théorique) infini, pour lequel le gradient de portance a pour valeur 2 pi par radian (soit 0,10966 point de Cz par degré d’incidence).

Si vous consultez un catalogue de profil comme le Abbott (profils NACA), vous vous rendrez compte (en utilisant un calque) que, quel que soit le profil, la pente de ce gradient de portance est toujours la même ! C’est la raison pour laquelle nous disons que le choix du profil n’a aucune importance, du moins au stade avant-projet d’une conception avion. Son incidence n’est que du second, sinon du troisième ordre !

Lorsque l’on passe d’un allongement infini à un allongement fini, le gradient de portance diminue. Il diminue donc avec la diminution de l’allongement, et cette diminution suit la relation suivante :
CzalphaA = 2.Pi.A / (2 + (A^2+4)^0,5) [1/rd]

Si l’allongement est "grand" (supérieur à 6), ce gradient peut être approximé avec la formule suivante : dCz/dalpha = CzaA = 2 . pi . A / (A+2) toujours en [1/rd]

Ainsi, pour un allongement de 8 par exemple, le gradient de portance est d’environ 5/rd, soit encore 0,087 point de Cz par degré.

En fait, la variation d’allongement provoque une simple rotation de la courbe Cz = f(alpha) autour d’un point fixe qui est le point alpha_zéro (angle de portance nulle).

Ce phénomène (qui est expérimentalement confirmé pour l’aile rectangulaire non vrillée), a 2 conséquences :

1) sur le vol en croisière : Chacun sait que la rencontre d’une rafale implique une modification de l’angle sous lequel le profil voit l’écoulement (angle d’incidence). Ainsi, pour une même variation de cet angle, la portance varie donc d’autant plus que le gradient de portance est grand. Autrement dit plus il y a d’Allongement et plus l’appareil est sensible aux rafales (la structure sera évidemment plus sollicitée, et le vol moins confortable).

2) sur la vitesse minimale de vol : la rotation de la courbe dans le sens d’une diminution du gradient de portance impliquant une diminution du Czmax, il s’en suit que la vitesse minimale de vol est effectivement plus faible lorsque l’allongement diminue. Il est à noter aussi que l’angle d’incidence atteint sera sensiblement plus important. Attention donc aux cordes trop grandes qui imposent un cabré trop grand de l’appareil qui peut ne pas être exploitable...

P.S. j’ai encore d’autres questions, mais j’ai peur de devenir pénible ……. c’est peut-être déjà fait.

En tout cas, je ne saurais que vous conseiller de participer à notre stage, car toutes ces questions sont abordées

Bien cordialement,