ATTAQUE OBLIQUE SUR DES PALES D’HELICES
J’ai lu sur le Net quelques articles de votre association diffusant vos connaissances en aérodynamique, et j’aimerais avoir votre avis sur les effets de l’ATTAQUE OBLIQUE sur des pales d’hélice :
La plupart des pales qui équipent les autogires légers actuels sont dotés du profils NACA 8H12 censé être "laminaire". Etudié spécialement pour hélico en 1946, il n’a pratiquement jamais été utilisé par les grands constructeurs, faute sans doute de résultats probants sur un rotor.
Je me demandais :
1) si la laminarité observée en soufflerie pouvait être conservée pour le profil d’une pale, sachant que celle-ci travaille le plus souvent en ATTAQUE OBLIQUE lors des vols en translation.
2) comment le NACA aurait pu omettre une différence aussi fondamentale.
3) s’il existe des recueils de profils montrant les polaires sous différents angles de flêche ; ou des méthodes permettant de les tirer de celles obtenues sans flêche
Bien que non-expert dans le domaine des autogires, je me permets d’attirer votre attention sur quelques éléments en matière de profil.
Vous parlez de laminarité concernant les pales de rotor, et d’ATTAQUE OBLIQUE... En effet, dès lors que le gyro est en translation, il n’y a théoriquement que lorsque la pale se trouve être perpendiculaire au sens de déplacement, que la pale travaille en attaque droite soit environ 10° d’angle pour la pale avançante et 10° pour la pale reculante, soit en gros 5% sur la totalité de son trajet circulaire.
La laminarité de la couche limite (C-L) sur un profil est un état extrêmement fragile puisque la C-L transite à la moindre perturbation (ce peut être simplement du bruit, et a fortiori des vibrations ce dont ne sont pas exemptes les voilures tournantes). La C-L est également extrêmement sensible à la valeur du Reynolds... Or, entre le pied et l’extrémité de pale, celui-ci est très variable, et il n’y a sans doute qu’une portion fort réduite de la pale qui travaille au "bon" Reynolds (entre 0,4 et 2 millions pour un rotor de 12 mètres de diamètre, une vitesse de croisière de 150 km/h, une fréquence de rotation de 120 rad/s et une corde de 0,3 m).
Par ailleurs, la laminarité sur un profil n’est maintenue que dans une plage restreinte d’angle d’incidence (la fameuse "poche laminaire"). Autrement dit, entre la pale reculante et la pale avançante, la variation d’angle d’incidence risque fort de dépasser l’étendue de cette poche laminaire, ce qui réduirait encore un peu plus l’éventail angulaire du disque du rotor dans lequel notre portion de pale travaillerait dans les conditions permettant le maintien de la laminarité sur son profil.
Si la C-L est particulièrement sensible à l’ATTAQUE OBLIQUE c’est que la composante transverse provoque le déversement latéral de microtranches d’écoulement dont les pieds sont visqueusement adhérents à la surface de la pale, initiant d’emblée un tapis de microvortex auquel ne résiste pas l’état laminaire de la C-L.
Autre considération : la qualité "laminaire" d’une C-L, n’a d’intérêt que si elle ramène une baisse du coef. de frottement (en gros, il y a une différence de 1 à 4 entre le Cx de frottement laminaire, et le Cx de frottement turbulent... dans les Reynolds usuels). Le problème avec une C-L laminaire, est qu’elle ne supporte absolument pas la recompression. Autrement dit, une fois dépassé le maître-couple, si la C-L est encore laminaire, elle décolle du profil. Et là, on ne parle plus de Cx de frottement, mais de Cx de pression et la différence entre Cxp et Cxf n’est plus dans un rapport de 1 à 4, mais dans un rapport de 1 à 200 (!), raison pour laquelle on trouve sur certains profils des générateurs de vortex juste en avant du maître-couple, histoire de faire transiter la C-L laminaire, en C-L turbulente (qui, elle, va rester adhérente au profil), malgré l’augmentation de traînée apporté par les générateurs de vortex eux-mêmes.
Pour avoir exploré (par le calcul) ce dont on pourrait éventuellement tirer comme amélioration de rendement (avec les hélices d’avion) si l’on remplaçait l’antique Clarc Y par un profil laminaire "moderne" (Naca série à 6 chiffres par exemple), nous nous sommes rendus compte que la laminarité apportait plus d’inconvénients que d’avantages, et qu’il y avait plutôt intérêt à faire transiter la C-L le plus tôt possible, l’hélice améliorant très sensiblement ses capacités de traction (notamment au décollage) en reculant l’angle de décrochage des pales. En somme : une hélice contaminée de moucherons tire mieux qu’une hélice parfaitement lisse ! Un chapitre du Hoerner montre l’importance de la centrifugation de la couche limite pour l’accroissement du Cz max.
Dernière considération, sous forme de questionnement : l’auto-rotation est générée par une composante des forces aérodynamiques orientée vers l’avant du profil. La laminarité sensée diminuer les efforts de traînée serait-elle de nature à favoriser... ou à diminuer le moment moteur de l’autorotation ?
Toutes ces considérations expliquent sans doute le fait que le profil 8H12 de la NACA que vous citez, n’ait pratiquement jamais été utilisé par les grands constructeurs d’hélico, et que le NACA ne se soit pas plus investi dans ce domaine... Mais un hélico n’est pas gyro (sauf en cas de carafe moteur, et lors des exercices de panne), et les conditions d’optimum des pales ne sont certainement pas les mêmes.
Pour répondre à votre dernière question : sans doute existe-t-il, peut-être pas des catalogues, mais du moins des études sur les attaques obliques des profils, ne serait-ce que pour les avions à aile en flèche évoluant à grande vitesse... mais les considérations de compressibilité, et de recul de ses effets (profil supercritique), a vraisemblablement pris le pas sur les questions de maintien de la laminarité... En tout cas, ce sont là des questions qui sortent du domaine de nos intérêts, qui sont essentiellement liés à "l’aérodynamique incompressible" de nos avions légers.